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2012-09-28T14:33:00+02:00

Debaser Tome 1 (RAF)

Publié par Cycy la vache de l'espace

Debaser Tome 1 (RAF)

RAF-dedicace.jpg

 

Je l’avais bien dit, que je ne connaissais pas Debaser. En fin de volume, je vois que le dépôt légal pour ce premier tome est de Juillet 2008. Que les fans de la première heure me pardonnent. Au moins ils ont eu la gentillesse de m’épargner un lynchage à la tomate.

Peu de gens, avant de se plonger dans un livre, ont la curiosité de regarder la page du dépôt légal. C’est pourtant là que se cachent les vraies clés pour entrer dans un ouvrage.

Ainsi, si le revers de la couverture nous traduit le titre Debaser par : [Deubeïzeur] : Celui qui détruit les fondations d’un système… Pour créer un monde meilleur ! », la page du dépôt légal, elle, nous révèle que « Le titre Debaser est un clin d’œil à la chanson des Pixies, sortie en 1989 sur l’album Doolittle © 4AD ».

La voilà, la vraie clé. Pour comprendre un livre, découvre quelle est la musique que son auteur a écoutée.

Et dans le cas de Debaser, il s’agit d’une vraie bande originale, de celles à figurer dans un délire de Quentin Tarentino…

La page du dépôt légal recèle une troisième information : « toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existés ne serait que pure coïncidence. »

… De cela, je suis moins convaincue. Il faut dire que le décor se plante d’entrée à Paris, avec un président « de la France qui win », élu en 2007, et l’arrestation d’un quidam confronté à de nouvelles lois ressemblant fortement à Hadopi. En moins de temps qu’il n’en faut à deux cocktails molotovs pour traverser une case, la France a déjà sombré dans un régime totalitaire, liberticide, sexiste, raciste, où le paraître a remplacé l’être, où la télé réalité a désintégré la culture, et la technologie atrophié le temps de cerveau disponible.

Toute forme d’expression individuelle, de musique alternative et de culture underground se voient interdites et leurs interprètes traqués tels des terroristes par une police robotisée et déshumanisée, car sans visage.

A l’image du manifeste « Indignez vous ! » de Stéphane Hessel ou d’un Star Wars, des rebelles se dressent pourtant contre l’empire, ici représenté par « Mundial », une world company des médias qui n’est pas sans rappeler Endemol ou Universal.

Mais tout bon ethnologue vous le dira  a : essayez d’étouffer une culture, elle renaîtra de ses cendres à la génération suivante. Et voilà comment des bambins nourris dès le biberon à Kiss, aux Pixies précités et à Nirvana (poster de Kurt Cobain à l’appui), deviennent des ados inévitablement  opposés à l’absurdité du système social qui les cernent et les étouffent.

Pour ce premier tome, les présentations commencent avec Anna, jeune fille de 17 ans considérée comme geek parce qu’elle est capable de lire un vrai livre avec du papier et des mots sans fautes d’orthographe, et parce qu’elle est incapable de se faire charcuter par la chirurgie esthétique comme ses petites camarades.

Sa tare suprême : vouloir faire des études dans une France régressive concernant les droits de la femme, et qui ne propose aux jeunes filles comme seules perspectives d’avenir que d’être une potiche de télé-réalité braillant une soupe infâme de variétoche à la « people school », ou d’être la femme au foyer d’un (espéré très riche) mari.

En cela, la situation d’Anna n’est pas loin de celle d’une adolescente d’avant 1967. Ce passé pas si lointain où il fallait aux jeunes filles une dérogation pour passer son bac, prendre la pilule et avoir un compte bancaire (et encore, pour le compte en banque, il fallait être mariée). Oui, mon cœur féministe ne pouvait que soutenir Anna dans sa soif d’apprendre, sa volonté d’autonomie, et tous ses espoirs d’avenir suspendus à un concours e chant.

Pour ce qui est de son alter ego masculin, il y a du ténébreux méchu et boucle d’oreillisé en pull à rayures. De son prénom Joshua. Antisocial autoproclamé, suspendu à son crayon et son bloc de papier, il griffonne son amertume pour ne surtout pas emprunter la voie musicale tracée par ses parents et son frère aîné, chemin qu’il suit pourtant à pleines converses, les dents serrées. A l’instar d’une pochette de vinyle  de Jimmy Hendrix croisée au détour d’un flash-back, de guitar hero, est-il guitariste, héros ou les deux ? On le saura certainement plus tard, en tout cas cette musique qu’il adore détester semble éveiller chez lui  un certain pouvoir, au sens propre comme au figuré. Du reste, contrairement à ce que cette société qu’il rejette le laisse entendre, Joshua n’est pas plus nerd que Anna n’est geek. Tout deux ont simplement une féroce volonté de vivre et une soif insatiable de liberté.

Une bagarre, et le surnaturel s’invite dans la critique sociale. Ça y est, le shonen  est planté : Musique, réflexion, des flammes magiques dans tes dents. On pourrait croire le schéma facile et ennuyeux. Il est au contraire pertinent, passionnant, et d’un humour flamboyant.

Pas d’un humour basique, faisant une gentille apologie  parodique du rock, comme a su le faire en son temps le film culte « Wayne’s world ». Mais un humour pointu, avec des dialogues ciselés et acérés, des cases fouillées, et une galerie de personnages plus vrais que la nature (in)humaine.

Le scénario est porté par un trait de dessin vif et nerveux, fiévreux, comme habité. On est envoûté. On plonge intensément.

 

C’est pourquoi ma mâchoire toucha le comptoir de la librairie Ikoku lorsque je constatais de mes yeux que derrière les trois lettres de RAF se cachaient une femme, tant j’étais persuadée qu’il s’agirait d’un auteur masculin.

« On me le dit souvent, me confia-t-elle, surtout parce que je dessine beaucoup de filles à gros lolos… »

Avant de la rencontrer, je n’avais vu de Debaser que la couverture du tome 8, sans gros lolos pointant à l’horizon, et pourtant son trait m’a piégée !

Tout comme j’écrivais en prologue de cette critique qu’il est nécessaire de découvrir la musique que son auteur a écoutée pour comprendre un livre, il est tout aussi nécessaire de rencontrer l’auteur pour saisir l’essence même de son  manga, sa bd, son roman.

Du créateur à la création. Chacun de ses personnages est habité physiquement et intellectuellement par un propre morceau de son âme.

Et lorsqu’on voit RAF à l’ouvrage, il est évident qu’un personnage comme Anna prend tout son sens.

J’ai assisté à beaucoup de séances de dédicaces, mais je n’ai pas vu beaucoup d’auteurs apporter autant de soin qu’elle en a mis dans un dessin très personnalisé (avec une vache en peluche… WHAT ?!) pour une fille (moi) qui n’avait même pas encore lu le premier tome de sa série. J’ai eu tout le temps de me rattraper en dévorant cet opus pendant que RAF faisait preuve d’une patience infinie face à une avalanche verbale et la collection quasi complète de Quentin, un Wikipédia humanoïde qui se reconnaîtra.

Quand j’ai terminé le tome 1, les drôles de dames de la Librairie Ikoku m’ont demandé ce que j’en avais pensé.

Je leur ai répondu qu’il avait beaucoup de choses à dire, mais que j’avais beaucoup aimé…

 

 

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